À Cassel - La routine s’installe
du 4/12 au 10/12/1916
La routine s’installe et le temps paraît bien long – La neige fait son apparition et le froid se fait sentir.
La première neige tombe le quatre décembre rendant la vie au camp «plus triste, moins agréable».
Cette deuxième semaine est marquée par la routine qui déjà s’installe dans le calme de trop longues journées d’oisiveté, entrecoupées de trop maigres repas. La grande affaire est donc de tuer le temps : causeries sans fin où il est question de la famille, du village, du retour au pays …de la saint Nicolas passée inaperçue.
Toutefois, une bonne tasse de vrai café du pays offerte par un copain, Désiré, aide René à garder bon moral, dans l’espoir d’un prompt retour. Toujours, il gardera sa tournure d’esprit où prédomine l’humour, le second degré et il fait contre mauvaise fortune, bon cœur.
Ainsi, s’il se couche très tôt ( vers 21 h.), c’est tellement il est fatigué (de n’avoir rien fait de la journée…); et si après la demi soupe (!) de midi, il ressent la nécessité de s’étendre sur son grabat, c’est «pour la grande digestion» (alors qu’il a le ventre creux!). Et si enfin, il reste étendu jusqu’à 15h., il se dit qu’il va «terriblement s’engraisser »…
La vie du camp est réglée par les heures des trois repas quotidiens : tôt le matin, à midi et à 17 h., occupée dans les intervalles par de nombreuses parties de cartes (13 à 15 par jour), des promenades dans le camp et ces causeries dont on imagine aisément les sujets rebattus.
Enfin, le retour du dimanche rappelle immanquablement les bons moments des dimanches à Floreffe, après la messe, où l’on «sirote un bon verre avec les copains».
Et quand il rédige ses «notes de voyage», il nous avoue que c’est «pour passer le temps».
René Jadot – 3e partie -2e volet
Problème de santé et vaccination
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Le 11/12/16
quinzième jour de notre départ, nous
comptons les jours comme vous voyez
car nous espérons être bientôt libérés.
Après le repas de midi, alerte : on
appelle tous les hommes de fer16.
La plupart sac au dos quittent le
camp mais ils nous reviennent
après un certain temps ??
Le 12,13, étant indisposé je ne
puis faire de récit. Le 14/12/16
journée normale je me rends à
la cantine chercher des citrons. La nuit
dernière je n’ai pu fermer l’œil
à cause de mon mal de tête et de
mon vaccinage. A la soirée je me
rends à Malonne voir Ferdinand
je bois là un bon bassin de
bouillon bien chaud après
quoi je reviens me coucher.
16 ouvriers travaillant le fer
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J’ai omis de dire que dans le
courant de la journée on a
délivré de la correspondance.
C’est avec amer regret que nous
constatons qu’il y en a pas pour
nous, cela nous ferait tant
de plaisir et nous donnerait
un peu de courage. L’ami
Maurice a délogé cette nuit… quel râleur.
Le 15/12/16 matinée ordinaire,
beau temps, beau soleil qui
nous égaie un peu de ses beaux
rayons. En général ici très peu
de pluie. Les journées deviennent
maintenant de plus en plus
mouvementées ??… Après ce
passage de mon récit
qui est fini à 12h1/2 je me
dispose à aller respirer un
peu l’air frais.
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L’après midi se passe normale-
ment, je prends un bon bouillon chez
Ferdinand pour tacher de guérir
mon rhume. au réveil du On nous
a remis nos passeports cette
après-midi. Au réveil du 16/12/16
il a neigé quelque peu. Jusque
maintenant elle n’est pas
abondante dans ce pays.
J’apprends par un de Floreffe
qui lui a reçu des nouvelles
(heureux veinard), car moi toujours
bredouille, cela m’impatiente
et me semble très long, que
le père d’Henri17 était mort.
Nous avons fait ce matin une
grande partie de chasse-
cœur18 . Pendant que je fais
17 MATHIEU ; Alexandre MATHIEU est décédé le 07/12/1916
18 jeu de cartes typique de la Wallonie et du nord de la France
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mon récit, Titin, Alfred 19 , Louis
sont en train de fabriquer une
bonne tasse de café au lait.
Ah que cela va me faire plaisir.
A la soirée grande distribution
de correspondances mais malheu-
reusement encore rien de chez
moi. Je suis à me demander
ce que cela signifie. J’en
reçois une de l’ami Paulin
en réponse à la mienne,
enfin ayons toujours espoir
cela nous rafermirait tant.
Le 17/12/16 voilà encore un
beau dimanche qui passe
au bleu journée triste car
il neige. J’apprends par les
cartes reçues dans la
19 Vraisemblablement Alfred DECOEUR, de Floreffe
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baraque que vous avez de la
neige, nous autres nous n’en
sommes pas inquiétés car nous
restons à l’abri. J’ai pris
ce matin, après le thé, de l’iode
dans du thé tellement j’ai
encore toussé la nuit. Aussi
je ne me rends pas à la
messe, le local étant trop
froid. Ma pensée s’envolera
encore souvent vers vous
autres tous aujourd’hui.
La journée s’achève très calme
pour un dimanche, nous espé-
rons tous que le prochain
dimanche nous le passerons
avec vous mais Dieu sait ??
À Cassel - Problème de santé et vaccination
du 11/12 au 17/12/1916
Problème de santé et vaccination. Soleil puis neige.
La correspondance.
Cette troisième semaine de déportation n’amène aucun changement notable dans la routine de vie de René Jadot.
Mais pour la première fois, il fait état d’un problème de santé qui l’empêche ainsi de tenir son journal pendant deux jours, les 12 et 13 décembre. Il se dit «indisposé».
Un mal de tête persistant et son «vaccinage» du deux décembre ne lui ont pas permis de fermer l’œil la nuit du 13 au 14. Pour guérir de ce «rhume», rien de tel que de boire un «bon bassin de bouillon bien chaud» que lui sert à deux reprises, les 14 et 15 décembre, son copain Ferdinand de Malonne.
Mais aussi il va chercher des citrons à la cantine, respire un peu l’air frais le quinze décembre et le dimanche 17 au matin, il prend de l’iode dans du thé tellement il a encore toussé la nuit; à un point tel que Maurice, son voisin de chambrée, un râleur, a délogé … Par précaution, René manquera même la messe dominicale, jugeant le local trop froid.
Le lundi 11 décembre, après le repas de midi, on appelle «tous les hommes de fer» qui, sac au dos, pour la plupart quittent le camp pour y revenir après un certain temps; notre déporté ne sait ce qu’il faut en penser, -ce qu’il transcrit dans son carnet par un double point d’interrogation.
Une grande première, d’autre part, depuis l’installation au camp : le jeudi 14 décembre pendant la journée, distribution de correspondance. Attente anxieuse mais hélas, notre déporté ne peut que regretter amèrement qu’il n’y ait rien pour eux, car «cela leur aurait fait tellement plaisir et donné un peu de courage».
Une nouvelle distribution le samedi 16 décembre n’apporte toujours rien de chez lui.
Il en vient à s’interroger. S’inquiète même. «Qu’est-ce que ça signifie?». Seulement une carte, celle de son ami Paulin qui répond à la sienne, mais ne comble pas son attente.
Il est «toujours bredouille» et malgré une bonne tasse de café au lait, il avoue son impatience car le temps lui semble très long …et il compte les jours.
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