Floreffe – acte notarié d’achat – Marie-Thérèse WATHELET – 1813
Voici peu, M. Fernand Dufaux, de Floreffe, nous a remis un acte notarié de vente de terrain daté de 1813 et conservé précieusement dans sa famille depuis lors.
La lecture de cet acte passé le 22 juillet 1813 exactement, devant Me Paul François Joseph GISLAIN, notaire de résidence à Namur, nous fournit quelques informations intéressant notre histoire locale.
A. La localisation.
Nous apprenons ainsi que le terrain concerné est «une partie de l’enclos appelé Cortil Gilbin». Il s’agit d’un « enclos », càd. d’un terrain entouré d’une clôture (on ne précise pas de quel type) qui se trouve repris dans un «Cortil ». Ne cherchez pas la définition de ce terme dans votre dictionnaire Larousse ou Robert, il ne s’y trouve pas puisqu’il est issu du wallon «corti» qui signifie «jardin» (dictionnaire wallon d’Emile Gilliard).
Ce terme sera francisé en «cortil» comme par exemple, dans Cortil-Wodon.
Il devait donc s’agir d’un potager clôturé faisant partie d’un ensemble plus vaste.
Dans son «Histoire de Floreffe» publié en 1972, Jean-Marie Pector en fait mention aux pages 61-62 :
«Un endroit situé dans l’angle nord-est du «Pré Contre» (1812) s’appelle le «Cortil Gilbin». Il est déjà mentionné dans les archives de l’échevinage de Floreffe sous la forme «courtil gilhin» (1559) qui signifie, étymologiquement, le jardin de Gillius (nom d’homme lat., cette forme est à rapprocher de Gilley).
Quant au «Pré-le-Comte» (le Pré du Comte), écrit Pré Contre en 1812, ce lieu-dit «désigne les prairies situées entre la Sambre (ancien cours) et le début de l’actuelle rue de la gare (rue Romedenne), depuis le Cul-du-ri jusqu’au petit chemin de terre qui, partant de chez Rifflart (note BF : la friterie actuelle), mène au pont-rail.
Le terrain de la R.U.S.Floreffe (note BF: ARSE Floreffe) se trouve en ce lieu-dit.
L’appellation est due à l’appartenance primitive de ces prés au comte de Namur.
C’est un des plus anciens lieux-dits de Floreffe.».
Cet enclos est limité à l’est par le chemin, soit l’actuelle rue Émile Romedenne et au nord, par «les Pauvres».
Ici aussi, l’historien de Floreffe vient nous aider à comprendre lorsqu’il signale l’existence, à proximité immédiate, d’un autre lieu-dit «Terre des Pauvres» (terre appartenant à la Table des Pauvres).
Cf « Histoire de Floreffe» page 79.
Napoléon par la grâce de Dieu et les constitutions, Empereur des français Roi d’Italie protecteur de la confédération du Rhin et médiateur de la confédération Suisse, à tous présents et avenir Salut.
Par devant moi Paul François Joseph Gislain notaire impérial à la résidence de Namur chef-lieu du Département de Sambre et Meuse soussigné, présents les témoins en bas dénommés, comparurent en personnes le Sieur François Petit, Florent Joseph Servais, Norbert Delaitte et Louis Joseph Trussart, tous propriétaires domiciliés en la Commune de Floreffe en cet arrondissement, lesquels nous ont déclaré de vendre céder et transporter au profit de la Dame Marie-Thérèse Wathelet veuve de Joseph Albert aussi propriétaire domiciliée au dit Floreffe, une partie de l’enclos appelé Cortil Gilbin gissant sous la Commune dudit Floreffe, contenant quinze perches quarante-trois mètres joignant du levant
au chemin, du midi audit Trussart, du couchant à Norbert et du nord aux pauvres, et c’est pour part ladite veuve Wathelet, ici présente et acceptante en jouir dès ce jourd’hui et a toujours à titre d’achat et de transport absolu comme subrogée ès lieux, droits et places des vendeurs.
La présente vente faite moyennant la somme de trois cents francs que les vendeurs reconnaissent d’avoir reçu de la dite acceptante à leur entier appaisement pourquoi le présent acte sert de quittance et décharge absolue à cette dernière.
Les frais du présent acte de son enregistrement et accessoire se payeront par l’acceptante.
Fait et passé audit Namur le vingt-deux juillet dix-huit cent treize en présence des Sieurs François Joseph Albert coëffeur et Ferdinand Baulion horloger tous deux domiciliés en cette ville témoins de moi notaire comme ainsi que les contractans, tous soussignés avec moi le dit notaire après lecture à l’exception dudit François Petit qui a déclaré ne savoir écrire ni signer. Signés Florent Joseph Servais, N J Delaitte, L J Trussart, Marie Thérèse Wathelet, F J Baulion P F J Gislain
Enregistré à Namur le vingt quatre juillet 1813 folio 150 ……. 1ère reçu douze francs pour vente et un franc vingt centimes pour subvention Signé Lesueur.
Mandons et ordonnons à tous huissiers sur ce requis de mettre ces présentes à exécution, à nos procureurs généraux et à nos procureurs impériaux près les tribunaux de première instance d’y tenir la main, à tous commandans et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi la présente a été signée de moi ledit notaire et scellée de mon cachet
P F J Gislain notaire
B. Les intervenants.
A tout seigneur, tout honneur : commençons donc par le notaire instrumentant.
Il déclare s’appeler Paul François Joseph GISLAIN et porte le titre officiel de sa fonction, à savoir Notaire impérial. Il prend d’ailleurs soin de rappeler et d’énumérer toutes les qualifications données à Napoléon : Empereur des Français, celui-ci cumule en effet avec Roi d’Italie, Protecteur de la Confédération du Rhin et médiateur de la Confédération suisse.
Maître GISLAIN a sa résidence à Namur, chef-lieu du département de Sambre-et-Meuse.
Le document sur lequel il rédige la transaction porte en haut à gauche, un timbre humide Ø 28 mm EMP. FRAN. 75.C.es pour les “grands papiers”, ainsi qu’un filigrane TIMBRE IMPERIAL de Ø 62 mm, avec un aigle couronné au centre, qui se situe dans la marge.
Comme la loi l’exige, il a sollicité la présence de deux témoins. En l’occurrence, le sieur François Joseph ALBERT, coëffeur, et Ferdinand Joseph BAULION, horloger, tous deux domiciliés à Namur. Deux artisans voisins de l’étude, vraisemblablement.
Pour ce qui concerne l’acquéreuse, nous ne décelons, dans son chef, aucune motivation dans sa démarche qui transparaîtrait du texte formel de l’acte.
S’agissait-il d’acquérir un terrain à bâtir en bordure du chemin? Ou plutôt de l’intérêt de disposer d’un potager à proximité de sa maison? A moins qu’il ne s’agisse simplement d’un placement d’argent ? À ce stade de nos recherches, il est impossible de trancher.
Mme Marie-Thérèse Wathelet – qui est veuve de Joseph ALBERT -, est déjà propriétaire et accroît donc son patrimoine d’un terrain de plus ou moins six ares et demi, une perche valant environ quarante-trois mètres carrés.
Quant aux vendeurs, nous savons qu’ils sont quatre (ce qui est beaucoup pour un terrain de petite importance), domiciliés à Floreffe et se nomment PETIT, SERVAIS, DELAITTE et TRUSSART (écrit aussi Truissart). Seul, le second, Florent SERVAIS, ne sait écrire ni même signer.
Et si chacun d’eux est renseigné comme étant propriétaire, seuls TRUSSART et DELAITTE détiennent des parcelles qui jouxtent celle qui est mise en vente.
Leur accord donné à cette veuve l’a-t-il été du fait, précisément, de son veuvage?
Peut-être l’acheteuse avait-elle charge de famille? Ici aussi, faute de recherches plus approfondies, la question reste en suspens.
Enfin, le prix de vente a été fixé, de commun accord, à 300 francs (soit environ 620 € au cours actuel) – ce qui équivaudrait à environ 1€/m2.
Qui ne se porterait acquéreur aujourd’hui, à ce prix, pour un terrain de six ares et demi dans le centre de Floreffe … ?!!!
Octobre 2021, l’équipe Bibliotheca Floreffia
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