Floreffe – La famille Lardinois
En son temps, en évoquant le tennis de table avec Dominique Lambrechts, celui-ci m’apprend, qu’à quatre-vingts ans, Jean Lardinois avait encore joué dans la catégorie vétérans, avec le club de Vedrin. Quelques temps après, je contacte Jean et son épouse qui m’invitent à plusieurs reprises à Salzinnes, pour évoquer ses souvenirs en terre floreffoise. Il est en effet le fils du pharmacien Paul Lardinois qui est né à Wépion le quatorze mars 1904.

Le vingt-six septembre 1932, celui-ci épouse Marthe Gibon, née en 1902 et le couple s’installe à Floreffe. De cette union naîtront quatre fils, René l’aîné, Henri, Pierre et Jean le cadet né cinq ans jour pour jour après le mariage de ses parents. Henri l’enseignant et René le médecin, tous deux décédés, Pierre embrassa la carrière de menuisier et Jean celle de chauffagiste: il l’évoque ci-dessous.

Les quatre fils Lardinois avec leur père. 1. Pierre, 2. Henri, 3. Jean, 4. Paul (le père), 5. René.
Vers 1932, Paul Lardinois succède à Oscar Kaisin, personnalité bien connue dans la sphère politique du village lequel géra jusqu’en 1915, rue Auguste Renard, la seule officine de Floreffe. Pilier du parti catholique, ancien bourgmestre, il est le père du chanoine Paul Kaisin, Supérieur du Séminaire de 1930 à 1948.
Léona Gibon, belle-sœur de Paul, née en 1897, épouse un membre de la famille Kaisin, Henri né en 1887. Ils habitent Place de Floreffe, actuellement Place Roi Baudouin, à l’angle de la rue Saint-Martin.
Paul Lardinois est un homme accueillant qui s’évertue à garder l’église au milieu du village et à rassurer les gens par ses conseils pratiques, ses bons mots.
Jean me confie :
» Papa, un pharmacien qui ne se soignait guère et peu soucieux de son confort. Les heures de fermeture étaient assez élastiques, même le dimanche matin. Il travaillait bien souvent jusqu’à des heures tardives, vu qu’à l’époque on prescrivait beaucoup de préparations magistrales.
Il parlait souvent wallon et conseillait même parfois à certains clients qu’il connaissait mieux que d’autres, d’aller chercher un bon morceau de viande plutôt que d’acheter des médicaments. D’allure élancée, papa était un sportif féru de balle au tamis et de balle pelote, comme vous pouvez le constater sur les photos que je vous ai confiées. »


Lorsque je lui parle de sa jeunesse, il enchaîne : » Comme il ne souhaite pas déplaire, attentif à la sensibilité de chacun, à l’époque de notre scolarité, il choisit de confier les deux aînés Henri et Pierre à l’enseignement communal chez les maîtres Biernaux et Perot, les plus jeunes, René et moi-même à l’école catholique chez les maîtres Gaspard et Bero. Pierre devenu médecin est malheureusement décédé le premier. Moi-même, chauffagiste, un métier que j’ai apprécié, surtout le contact avec la plupart des clients dont j’ai gardé le souvenir de liens de franche camaraderie et de respect mutuel. Mes frères et moi avons participé aux nombreuses activités du Patro local.



2.Pierre MARRION de Mauditienne, veuf de Rita Dricot
3.Joseph DUFAUX
4… ?..
5.Gustave WODON
6.Jean-Pierre DOUMONT
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9.Georget LEPOT
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11.Albert GILLAIN, frère de Paul, boucher à Floreffe
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6.Emile DRESE, époux Gabrielle Burton, marchand de charbon, rue Adelin Remy.
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8.Georges DOR
9.HUNGRI ?
10.Claude .. ?..
11.Jean-Pierre DOUMONT
Certainement influencés par la passion de papa qui s’est beaucoup investi dans la société de balle au tamis et la balle pelote, nous prenons la relève. Dans les équipes de cette dernière, nous avons tous les quatre joué pendant plusieurs années. A l’époque, Floreffe compte deux équipes comme porte-drapeaux du village. Dans les années’50, La Renaissance joue sur le terrain jouxtant la rive droite de la Sambre, en amont du pont de Mauditienne, et Floreffe-Centre sur l’actuelle place Roi Baudouin. Notre père procède de la même manière que pour l’enseignement primaire : Henri et René sont affiliés à la Renaissance tandis que Pierre et moi-même à Floreffe-Centre.
On commençait très jeune à côtoyer nos ainés, c’est ainsi qu’à l’âge de 14 ans j’ai évolué quelques fois sur la place avec ton père Jules Barbier (qui habitait au bas de la rue Falmagne, où les jeunes, en hiver, terminaient leur descente depuis le haut du quartier du Coria) qui jouait ‘’à passe’’. A cette époque, Julien Lambrechts nous donne des balles pour nous entraîner en solo ou à plusieurs, en les frappant sur le grand pignon situé à la droite du pont du Wéry, au bas de la rue Célestin Thiry. Pendant environ six ans, je joue comme « petit milieu » ou « foncier ».



A l’époque, quatre garçons des familles Doumont, Michaux et Lardinois et un cinquième joueur en renfort (parfois même un joueur issu de ces familles) s’affrontaient à l’occasion de festivités en vogue à l’époque… kermesse, commémoration ou fancy-fair ….
Le café Fontaine, repris par après par Georges et Irma Chapelle (actuellement une annexe du cabinet d’ophtalmologie lequel était habité à l’époque par Léona Gibon, épouse d’Henri Kaisin, belle-soeur de Paul Lardinois), sert de local à la Renaissance tandis que le Café des Sports, chez le Père Duval accueille Floreffe-Centre.
Je remarque que vous avez aussi des photos-souvenirs de football.
« En effet, nous avons joué également au football mais nos prestations ne s’étendent pas sur de nombreuses années, environ trois ou quatre années.


1. Marie WILMET, épouse MASSART, grand-mère des jumeaux Rudy et Gérard NOEL, 2. Madame GUERINI, épouse de Dante qui fut gardien de but à Floreffe, marchand de mazout, futur président de Wépion, 3… ? .., 4. Félix LEGRAND, 5. Marie MASSINON, dite Marie COYE, épouse Legrand, 6. Jacques LEGRAND, fils de Félix, petit frère d’Emile.


Néanmoins, nous y avons pris aussi beaucoup de plaisir avec les copains de l’époque : en témoignent les photos que nous consultons. Je me le rappelle comme si c’était hier.
Je garde en mémoire un match en particulier, gagné 11-0 avec mes trois frères alignés à l’attaque. J’avais 15 ans et je ne me souviens plus si nous avons marqué tous les buts.
Je n’ai pas joué longtemps au football, à peine deux ans, trois maximum. Refroidi par une fracture de la mâchoire et ensuite, par une fâcheuse chute avec ma moto Guzzi qui m’endommagea les genoux, je mis fin à mon parcours de footballeur.
J’étais rapide et je ne jouais pas mal du tout, j’ai même été meilleur buteur en division II provinciale, lors de la montée de l’équipe à l’étage supérieur. Un entraîneur du Standard de Liège, Maurice Grisard, spectateur lors d’un match à Floreffe m’avait appelé après la rencontre et proposé de participer à des séances d’entraînement, me laissant ses coordonnées dans la foulée. J’en fis part à mon père qui me fit comprendre qu’il n’était pas possible de me conduire régulièrement à Liège, vu ses occupations. La proposition resta donc lettre morte’’
Suite à des recherches sur le site du Standard, j’ai constaté que monsieur Grisard, né en 1895, a joué au Standard de 1912 à 1925. Après sa carrière de joueur, il entraîna par trois fois son club de cœur et quitta son poste après la saison 1952-1953.
Vous m’avez confié tout à l’heure que vous vous comportiez parfois comme les bons petits diables décrits par la comtesse de Ségur ?
» Eh oui ! Gamin, adolescent, je suis un peu farceur, frondeur … au risque parfois de provoquer des sueurs froides à mes parents. C’est ainsi qu’un jour, j’ai subi le courroux de mon père suite à la visite d’un voisin venu l’avertir qu’un de ses fils s’amusait avec un ballon dans la corniche de la maison. Vous imaginez ‘’la potion’’ de félicitations du papa-apothicaire après m’avoir précautionneusement par ruse, suggéré de quitter mon perchoir.

Tout jeune, passionné par la pêche, j’accompagne souvent Maurice Sténuit en bord de Sambre.
Un jour, de bon matin, je m’introduis sous le pont où le Wéry traverse la place en diagonale. C’est là que je débusque et capture une énorme truite. Sans plus attendre, je l’introduis dans ma nasse et me rends sur le rivage à l’embouchure du ruisseau. Bien vite, je lance ma ligne dans la Sambre en attendant les visiteurs. Comme souvent, le réflexe premier d’un promeneur est de regarder si la pêche est fructueuse. Cela mordait plus sur le chemin que dans l’eau ! Beaucoup de personnes s’arrêtent et me demandent de commenter la fameuse prise. Je répète à tour de bras que je l’avais tirée de l’eau, là devant moi. Le lendemain, tout comme devant un stand de pêche aux canards à la kermesse, l’endroit est envahi par une flopée de candidats avides, tout comme moi, de réaliser une pêche miraculeuse.
Inutile de préciser que je prenais grand plaisir à les observer, les encourager à persévérer lorsque l’un ou l’autre montrait des signes de lassitude. »
Jean, vous avez bien connu mon père. Celui-ci parlait d’une fusée allemande V1 tombée dans la Sambre près de Mauditienne le huit mars 1945. Vous en souvenez-vous ?
« Bien sûr, j’avais sept ans, toute la famille était présente dans la maison ce matin-là. Ma grand-mère, Désirée Blanche, une femme charmante et pétillante, vu son âge relativement avancé, habitait avec nous. Elle occupait une chambre à l’étage. Tôt le matin, on entendit une puissante déflagration qui fit voler en éclats toutes les vitres du centre de Floreffe et alentours. Surpris et quelque peu désorientés, nous nous ressaisissons et nous inquiétons pour notre grand-mère encore au lit à ce moment. Quelle fut notre surprise de la découvrir encore dans les bras de Morphée, la tête dépassant des couvertures, le lit parsemé d’éclats de verre. Réveillée, elle nous précisa qu’elle n’avait rien entendu »

Désirée Blanche avec le vicaire Fastré.
En 1955, Roger Bontemps s’installe à son tour dans le centre de Floreffe, en face de la maison du docteur Dodion.
Paul Lardinois remet son officine en 1964. Un intérim est assuré par un pharmacien proche de la pension et finalement par Jean-Marie Delvigne qui s’installe à son tour définitivement en 1966, au numéro 10 de la rue Auguste Renard jusqu’en janvier 2002. Pour la petite histoire, Madame Frédérique Laime qui a repris l’officine, me signale que son prédécesseur, allergique à cette époque, avait insisté pour passer le flambeau en janvier et éviter ainsi le passage à l’euro.
Nos remerciements vont à Jean Lardinois et son épouse qui m’ont reçu à de multiples reprises pour évoquer leurs souvenirs, choisir et commenter les photos aimablement prêtées.
Merci aussi aux Floreffois pour l’identification des personnes sur les photos, à savoir MM. Fernand Dufaux, René François, Pierre Marrion et Jean-Pierre Doumont.
Michel Barbier, mars 2025.
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